dimanche 8 décembre 2013

L'Art nouveau retrouvé (enfin!)
                       Le Musée Fin-de-Siécle
                                   Bruxelles



Au coeur du tout nouveau Musée Fin-de-Siècle, on peut enfin admirer la fabuleuse collection Art nouveau rassemblée pendant plus de trente ans par Anne-Marie Gillion-Crowet et acquise il y a sept ans par la Région Bruxelles-Capitale. En 1999,  Michel Draguet,  l'actuel patron des Musées Royaux des Beaux-Arts de Bruxelles, avait déjà établi le catalogue complet de cet ensemble exceptionnel, sous le titre "L'Art nouveau retrouvé" (Éditions Skira).
Une présentation aussi délicate qu'astucieuse 
(ici la lampe Mousseron de Daum)
L'ensemble est présenté dans un écrin  qui aurait fait rêver Samuel Bing, le marchand d'art parisien qui, surfant sur le  dernier mouvement à la mode, rebaptisa en 1895  son magasin  La Maison de l'Art nouveau. On découvre ici  des verreries rarissimes signées Gallé, Daum, Mueller ou Decorchemont ; des meubles de Gallé, Majorelle, Horta; des sculptures d' Alphone Mucha, Fernand Khnopff (Tête de Méduse), Raoul Larche (la célèbre danse serpentine de la Loïse Fuller), un chandelier tulipe de Fernand Dubois, ”Maléficia” de Philippe Wolfers. 
La salle à manger aux épis de blé d'Émile Gallé (1900). 
Au mur, quatre estampes de Mucha 
Enfin, les murs de ce lieu magique sont ornés d'estampes d'Alphonse Mucha et de tableaux symbolistes en parfaite adéquation avec ce qu'ambitionne d'être le Musée Fin-de- Siècle: "L'Ange des splendeurs", "Orphée mort" et "Parsifal" de Jean Delville, "L'Églantinier" et "La Ronde des Heures" de Xavier Mellery, "Circé" , "Les Mortes", "Une Charogne" de l'étonnant Gustave Adolphe Mossa, "Spleen et Idéal" de Carlos Schwabe et puis deux oeuvres magistrales de Fernand Khnopff : "Une Aile bleue" et "D'après Flaubert, la Tentation de Saint-Antoine".

Khnopff, précisément

En 1930, lorsque Paul Colin, célèbre critique d'art de l'époque, établit le bilan d'un siècle de peinture belge il ne 
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"Des Caresses", de Fernand Khnopff (1896) 
C) Bruxelles MRBAB/KMSKB



consacre que deux ou trois lignes méprisantes à ce peintre mort en 1921. Le symbolisme et sa contre-culture stupéfiante avait complètement disparu des mémoires enfoui sous les décombres de la Grande Guerre. Un demi siècle plus tard, en 1979, un autre critique, Robert Delevoy, aidé par Catherine de Croes et Gisèle Ollinger-Zingue, mène l'enquête. Leur travail met en évidence le rôle majeur de Fernand Khnopff dans l'histoire de la peinture mondiale, le transformant d'un seul coup en icône incontournable comme...René Magritte.
Musée-Fin-de-Siècle
C'est sans doute en pensant à cette remise à jour étonnante que Michel Draguet a bouleversé complètement l'organisation des Musées Royaux des Beaux-Arts,
Charles HERMANS (1839-1924) A l'Aube (1875)
C'est l'oeuvre qui ouvre le musée Fin-de-siècle, 
annonciatrice de tous les bouleversements futurs(C) Bruxelles MRBAB/KMSKB



"balançant" l'art moderne au profit d'un musée à la dénomination improbable: Fin-de-siècle.
Le pari est aussi audacieux que risqué. Avant d'aboutir à la collection Gillion-Crowet, la promenade – car il s'agit bien d'une promenade dans les étages de l'ancien musée d'Art moderne – nous invite à revivre avec plus ou moins d'intensité la vie culturelle et artistique bouillonnate de l'époque : celle des expositions internationale du groupe de “Vingt” (1885-1891), puis de "La Libre Esthétique" (1894-1914).

Théo Van Rysselberghe (1862-1926) La promenade (1901)
(C) Bruxelles MRBAB/KMSKB
   On y retrouve tous les tableaux "modernes" qui faisaient déjà la réputation des Musées Royaux des Beaux-Arts, avec évidemment  Fernand Khnopff, mais aussi James Ensor (une vingtaine d'oeuvres plus remarquables les unes que les autres), Théo Van Rysselberghe, Henri Evenepoel, Constantin Meunier, mais aussi Bonnard, Seurat, Signac, Gauguin et Van Gogh (un dessin seulement). Tout l'esprit d'une époque au tournant du XIXème et du XXème siècle.
Paul Gauguin (1848-1903) 
Le Calvaire breton, le Christ vert (1899)
(C) Bruxelles MRBAB/KMSKB
Une critique cependant : étant donné la complexité de l'époque, une mise en perspective s'imposait. Des panneaux explicatifs comme on en trouve dans les meilleurs musées du monde, destinés bien sûr à un public profane (mais qui ne 
Charles Vander Stappen (1843-1910).
Sphinx (marbre) 
l'est pas?) permettraient de mieux saisir quels étaient les enjeux et la signification de chacun des mouvements esthétiques qui s'entrechoquaient en cette fin de siècle.
En quelques sorte, ce musée manque singulièrement de "storystelling" une expression très début du XXIème siècle - signifiant qu'il faut savoir raconter des histoires quand on veut être compris. 
Mais que cette remarque ne gâte pas votre plaisir. 
  

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