dimanche 22 décembre 2013

A redécouvrir bientôt, 
le 6 rue du Grand Cerf


6, rue du Grand-Cerf, la galerie d'art des Frères Leroy
construite par Jules Barbier en 1901


























Classé depuis près de 20 ans (16 mars 1995 exactement ), le 6 rue du Grand Cerf, à deux pas du Palais de Justice de Bruxelles, est enfin en pleine phase de rénovation. Jusqu'ici, ce grand bâtiment toujours couvert de suie et de poussière, passait pratiquement inaperçu. Et puis tout change, les premiers travaux de nettoyage lui rendent déjà un peu de son éclat primitif. 
L'architecte Jules Barbier l'a construit en 1901 pour deux marchands d'art, les frères J. et A. Leroy qui y ont installé leur galerie. Le 26 mars 1904, ces deux frères mirent notamment en vente quelques fusains que le peintre Théo Van Rysselberghe avait dessinés en 1887 pendant un voyage au Maroc pour illustrer un livre d'Edmond Picard,  El Mogreb El Aksa.


C'est donc un des rare bâtiments de la belle époque conçu dès l'origine pour abriter une galerie d'art qui  retrouvera d'ici à quelques semaines (fin avril-début mai 2014) une fonction quasiment similaire... La société  de vente aux enchères Lempertz de Cologne  l'a en effet acquis en 2010 pour en faire sa salle de vente bruxelloise. L'événement est assez unique pour être souligné.  



De style Art nouveau éclectique,  la façade  se caractérise par la disposition asymétrique de toutes ses baies grâce à l'utilisation de poutrelles d'acier (bien visible sur la photo), par les boiseries du grand chassis de gauche et par la beauté des sgraffites animant l'ensemble (que l'on ne discernait plus depuis des années). Ils seront entièrement restaurés. 
Sgraffite à la palette du peintre qui n'attend que sa restauration

Point de détail important, la porte d'entrée retrouvera sa marquise originale, refaite d'après les plans de Jules Barbier. Ce que l'on ne devine absolument pas de l'extérieur, en revanche;  c'est l'organisation interne de la Galerie des Frères Leroy.  L'arrière du bâtiment est en effet composé d'une gigantesque salle de vente (13 mètres sur douze) éclairée par une grande verrière moderniste sans le moindre point d'appui intermédiaire.. Tout cet espace est en cours de restauration et promet d'être magnifique 
   
En 1922, la Galerie des Frères Leroy était devenue la Galerie du Studio
Avec cette restauration, c'est tout l'angle formé par la rue du Grand Cerf et la rue aux Laines qui retrouve son état d'origine avec des immeubles de prestige témoignant des goûts pour le moins variés des bourgeois bruxellois de la belle époque. Il ont tous été construits vers 1900: le 4 et le 2 rue du Grand Cerf en syle Renaissance flamand (1902),

L'angle de la rue du Grand Cerf et de la rue aux Laines
avec la galerie d'art à l'extrême droite

Gothique au 56 rue aux Laines
le 56 rue aux Laines en style néo-gothique (1901), les  numéros précédents, presque tous construits autour de 1902  par un architecte allemand, Guillaume Low,  dans un parfait  style néo-classique français













Rappelons que c'est grâce à  l'intervention d'une organisation de défense du patrimoine  (l'ARAU Atelier de Recherche et d'Action Urbaine) et d'un homme politique bruxellois (Philippe Moureau) que cet ensemble architectural témoins d'une époque a échappé  miraculeusement  à la sauvagerie des promoteurs immobiliers  au début des années 80. 











dimanche 8 décembre 2013

L'Art nouveau retrouvé (enfin!)
                       Le Musée Fin-de-Siécle
                                   Bruxelles



Au coeur du tout nouveau Musée Fin-de-Siècle, on peut enfin admirer la fabuleuse collection Art nouveau rassemblée pendant plus de trente ans par Anne-Marie Gillion-Crowet et acquise il y a sept ans par la Région Bruxelles-Capitale. En 1999,  Michel Draguet,  l'actuel patron des Musées Royaux des Beaux-Arts de Bruxelles, avait déjà établi le catalogue complet de cet ensemble exceptionnel, sous le titre "L'Art nouveau retrouvé" (Éditions Skira).
Une présentation aussi délicate qu'astucieuse 
(ici la lampe Mousseron de Daum)
L'ensemble est présenté dans un écrin  qui aurait fait rêver Samuel Bing, le marchand d'art parisien qui, surfant sur le  dernier mouvement à la mode, rebaptisa en 1895  son magasin  La Maison de l'Art nouveau. On découvre ici  des verreries rarissimes signées Gallé, Daum, Mueller ou Decorchemont ; des meubles de Gallé, Majorelle, Horta; des sculptures d' Alphone Mucha, Fernand Khnopff (Tête de Méduse), Raoul Larche (la célèbre danse serpentine de la Loïse Fuller), un chandelier tulipe de Fernand Dubois, ”Maléficia” de Philippe Wolfers. 
La salle à manger aux épis de blé d'Émile Gallé (1900). 
Au mur, quatre estampes de Mucha 
Enfin, les murs de ce lieu magique sont ornés d'estampes d'Alphonse Mucha et de tableaux symbolistes en parfaite adéquation avec ce qu'ambitionne d'être le Musée Fin-de- Siècle: "L'Ange des splendeurs", "Orphée mort" et "Parsifal" de Jean Delville, "L'Églantinier" et "La Ronde des Heures" de Xavier Mellery, "Circé" , "Les Mortes", "Une Charogne" de l'étonnant Gustave Adolphe Mossa, "Spleen et Idéal" de Carlos Schwabe et puis deux oeuvres magistrales de Fernand Khnopff : "Une Aile bleue" et "D'après Flaubert, la Tentation de Saint-Antoine".

Khnopff, précisément

En 1930, lorsque Paul Colin, célèbre critique d'art de l'époque, établit le bilan d'un siècle de peinture belge il ne 
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"Des Caresses", de Fernand Khnopff (1896) 
C) Bruxelles MRBAB/KMSKB



consacre que deux ou trois lignes méprisantes à ce peintre mort en 1921. Le symbolisme et sa contre-culture stupéfiante avait complètement disparu des mémoires enfoui sous les décombres de la Grande Guerre. Un demi siècle plus tard, en 1979, un autre critique, Robert Delevoy, aidé par Catherine de Croes et Gisèle Ollinger-Zingue, mène l'enquête. Leur travail met en évidence le rôle majeur de Fernand Khnopff dans l'histoire de la peinture mondiale, le transformant d'un seul coup en icône incontournable comme...René Magritte.
Musée-Fin-de-Siècle
C'est sans doute en pensant à cette remise à jour étonnante que Michel Draguet a bouleversé complètement l'organisation des Musées Royaux des Beaux-Arts,
Charles HERMANS (1839-1924) A l'Aube (1875)
C'est l'oeuvre qui ouvre le musée Fin-de-siècle, 
annonciatrice de tous les bouleversements futurs(C) Bruxelles MRBAB/KMSKB



"balançant" l'art moderne au profit d'un musée à la dénomination improbable: Fin-de-siècle.
Le pari est aussi audacieux que risqué. Avant d'aboutir à la collection Gillion-Crowet, la promenade – car il s'agit bien d'une promenade dans les étages de l'ancien musée d'Art moderne – nous invite à revivre avec plus ou moins d'intensité la vie culturelle et artistique bouillonnate de l'époque : celle des expositions internationale du groupe de “Vingt” (1885-1891), puis de "La Libre Esthétique" (1894-1914).

Théo Van Rysselberghe (1862-1926) La promenade (1901)
(C) Bruxelles MRBAB/KMSKB
   On y retrouve tous les tableaux "modernes" qui faisaient déjà la réputation des Musées Royaux des Beaux-Arts, avec évidemment  Fernand Khnopff, mais aussi James Ensor (une vingtaine d'oeuvres plus remarquables les unes que les autres), Théo Van Rysselberghe, Henri Evenepoel, Constantin Meunier, mais aussi Bonnard, Seurat, Signac, Gauguin et Van Gogh (un dessin seulement). Tout l'esprit d'une époque au tournant du XIXème et du XXème siècle.
Paul Gauguin (1848-1903) 
Le Calvaire breton, le Christ vert (1899)
(C) Bruxelles MRBAB/KMSKB
Une critique cependant : étant donné la complexité de l'époque, une mise en perspective s'imposait. Des panneaux explicatifs comme on en trouve dans les meilleurs musées du monde, destinés bien sûr à un public profane (mais qui ne 
Charles Vander Stappen (1843-1910).
Sphinx (marbre) 
l'est pas?) permettraient de mieux saisir quels étaient les enjeux et la signification de chacun des mouvements esthétiques qui s'entrechoquaient en cette fin de siècle.
En quelques sorte, ce musée manque singulièrement de "storystelling" une expression très début du XXIème siècle - signifiant qu'il faut savoir raconter des histoires quand on veut être compris. 
Mais que cette remarque ne gâte pas votre plaisir. 
  

samedi 7 décembre 2013

Ernest Blerot, star de l'Art nouveau bruxellois. 
Catalogue raisonné d'une oeuvre architecturale

C'est à Jacques Arets,  un particulier passionné,  que l'on doit la première monographie consacrée uniquement à Ernest Blerot, l'un des architecte les plus poétiques de l'Art nouveau. En quelques années (1896-1911), Blerot a construit 74 maisons à Bruxelles dont plus de cinquante sont toujours debout.. Mais cela fait quand même une vingtaine de démolitions qui ne seraient plus autorisées aujourd'hui  Regrets éternels. Parmi les victimes des impitoyables promoteurs, la maison personnelle de Blerot construite au bord des étangs d'Ixelles. On imagine sans peine le  chef d'oeuvre qu'elle devait constituer car Ernest Blérot ne se contentait pas de construire des maisons, il pouvait aussi en créer le mobilier. Son style, très floral et végétal, dans la lignée des premières réalisations de Victor Horta, est reconnaissable entre tous notamment parce qu'il renouvelle sans cesse une grammaire décorative constamment réactualisée.

Page 204 l'angle des rue Vanderschrick/Volders en 1974 lorsque la ville était encore noire de suie.
Page 205,  l'immeuble abrite aujourd'hui le café "La Porteuse d'eau" (décor art nouveau moderne). 
Jacques Arets, qui avait acquis une maison signée Blerot, s'est donc étonné de ce que ce grand architecte, très populaire à son époque, n'ait fait l'objet d'aucune étude approfondie. Il s'est donc mis à la tâche. Dix annnées de recherches méticuleuses lui sont nécessaires pour aboutir à un opus, grand in quarto cartonné de  336 pages, abondamment illustré. Le sous titre de ce livre "Un style, Une ville" est particulièrement adéquat pour un architecte qui pensait la ville comme un tout organique et esthétique. 


Porte d'entrée et dessins des façades d'angles du 28 rue de Belle-Vue.
Oeuvre majeure d'Ernest Blérot au tornant du siècle(1899)
Jacques Arets   analyse l'une après l'autre chacune des maisons de Blérot, y compris, quand cela est possible, celles qui ont été détruites.
En haut : le  28 rue de Belle-Vue en 1899 .
Document tiré de "Die Architektur der neuen freien Schule" (source AAM)
En bas, l'immeuble qui l'a remplacé en 1959.
Oeuvre des Établissement Tamigneaux
Pour chaque maison, il donne un historique succint et signale le transformations qui ont été réalisées. 

Bref une foule de renseignements indispensable à la bonne compréhension de ce qu'était l'architecture au tournant du XIXème et du Xxème siècle dans une ville en pleine révolution culturelle et en pleine explosion démographique.

















Ernest Blerot, architecte Art nouveau bruxellois. Un style, une ville,.
Edité à compte d'auteur , il peut être acheté au prix de 35 euros

- aux Archives de la Ville de Bruxelles
65, rue des Tanneurs, 1000 Bruxelles.
Tél. +32 (0)2 279 53 20, 
fax : 32 (0)2 279 53 29


- chez l'auteur lui-même
Arets Galleries: tél.fax +32 (0)2 466 60 48, 
GSM +32 (0)475 80 19 59;
IBAN BE49 3101 0093 6771