PROMENADE N°1
Autour de la place de Châtelain
Autour de la place de Châtelain
Srgaffite Art nouveau (artiste non identifié)
Façade du 2 parvis de la Trinité |
Dans presque toutes les rues qui rayonnent autour de cette place se logent de remarquables édifices d'inspiration modern style.
Parvis
de la Trinité
Le
temple des Augustins
(gravure du XVIIIe siècle) |
Commençons
par un petit tour du côté de l'église de la Sainte Trinité,
monument baroque brabançon du XVIIème siècle. Sa façade trônait
autrefois au milieu de la place de Brouckère. Elle fut démontée puis reconstruite à Ixelles en 1895 - en pleine effervescence moderniste. Il est vrai qu'à l'époque les partisans d'une nouvelle esthétique architecturale ne constituaient qu'une faible minorité. Le triomphe de l'Art nouveau n'était même pas imaginable.
92 rue Africaine Benjamin de Lestrée (1904) |
Neuf années plus tard, sur
le côté droit de cette église,
au
92
rue Africaine, Benjamin De Lestré de Fabribeckers (1865-1928) construit l'une de ses plus belles maisons justifiant de façon géniale et sensible la raison d'être de la nouvelle
architecture : la quête de la lumière .De briques claires rehaussées de pierres blanches et bleues, la façade est dans le style Art nouveau géométrique initié par Paul Hankar. Elle se caractérise par son rythme asymétrique: les deux baies du rez-de-chaussée sont surmontées par un large bow-window à trois fenêtres s'appuyant sur une console centrale. Au-dessus, le vaste balcon est accessible par une grande porte inscrite dans un unique arc de briques outrepassé et, enfin, aux derniers étages trois baies plus étroites.
Élément décoratif au symbolisme secret |
On le retrouve notamment dans la ferronnerie de la double porte d'entrée et dans les portes intérieures du halle d'entrée.
Double porte du 92 rue Africaine
et hall d'entrée |
Grande salle de réception du 92 rue Africaine aujourd'hui transformée en bureau
Des
majoliques aussi délicates que des hirondelles
|
Au 75 rue du Bailli, surprise surprise: vous y trouverez Les Caprices du Bailli, une pâtisserie établie depuis 1904 dans une maison classique mais au décor très fin de siècle conservé: portes d'entrée, miroirs biseautés et grand vitrail. Le lieu est apprécié et recherché des cinéastes.
63 rue
du Châtelain.
Georges Hobé 1903 |
Un
sgraffite aux symboles égyptianisans
|
Au 34,36 et 38 rue du Châtelain,
un groupe de trois
34, 36, 38 rue du Châtelain. Georges Cochaux (1899) |
Au 29 rue du Châtelain, c'est plus historique! Ernest Blérot construit sa première maison en 1896.
Elle n'est pas caractéristique de son oeuvre ni de l'Art nouveau en général, mais on y décèle déjà le goût prononcé du jeune architecte pour la décoration des façades. Ici c'est un petit bestiaire des fables qui se déploie en bestiaire en sculptures et sgraffites:
Le renard et la cigogne, élément Art nouveau du décor architectural |
renard et cigogne, lion en console et aigle surveillant la porte d'entrée.
Poursuivant
cette promenade, nous arrivons rue de Livourne. Tournez à droite. Un
architecte oublié, Louis
Bral,
construit au 135-137 rue de Livourne une unifamiliale qui attire
135-137 rue de Livourne. Louis
Bral. 1896
|
La baie du premier étage s'ouvre sur un grand balcon au garde-corps forgé dans le pur esprit “Horta”. A noter la double porte d'entrée (assez rare à Bruxelles): l'une était sans doute réservée aux livreurs et à la domesticité car à l'époque, ne l'oublions pas, sans frigo, sans lave-vaisselle, sans chauffage central et souvent encore sans électricité, les ménages bourgeois employaient à plein temps une ou plusieurs servantes.
Un garde-corps en coup de fouet
digne de Victor Horta. Louis Bral (1896)
|
Chassis reconstitué pour la maison construite par Ernest Blérot en 1898 (50 rue Washington) |
Rue du Magistrat
En
remontant la rue du Magistrat, on trouve entre les numéros 47 et 37,
une impressionnante série de maisons bourgeoises construites
dans l'esprit à la foi moderniste et individualiste du début du
XXème siècle bruxellois. A chacune son style, à chacune sa
personnalité.
Le 47 rue du Magistrat est une oeuvre d'Alfred Sarot,datée de 1904.
47 rue du Magistrat. Alfred Sarot (1904) |
Sous la corniche un message envoyé discrètement aux passants |
Juste à côté, au 45 rue du Magistrat, Léon Delune décline tous les ingrédients de l'art nouveau dans cette maison construite en 1902 . Façade joliment restaurée.
Porte japonisante. 45 rue du Magistrat. Léon Delune '1902) |
45 rue du Magistrat. Léon Delune
1902
|
Maintenant regardez bien la composition de la façade. La fenêtre du demi sous-sol, en arc outrepassé, est dominée par la fenêtre rectangulaire du rez-de-chaussée. Au premier étage, tout se décale. La baie unique, qui s'ouvre à mi-largeur de la porte d'entrée, est divisée en trois parties par deux meneaux de pierre bleue ouvragés dont un paraît s'appuyer sur le vide. mais ici on en voit la raison : une poutrelle métallique permet l'asymétrie tout en empêchant l'effondrement de l'ensemble.
Au deuxième étage, même scénario: la baie est divisée en quatre parties par trois menaux aériens dont le médian semble s'appuyer sur le vide (défiant la logique des forces). Enfin la corniche, soutenue par neuf console (encore une “hérésie” architecturale et un raffinement esthétique dont raffole les modernistes) est entourée de deux étonnantes lucarnes passantes. L'imagination est au pouvoir.
Pour ne pas gâcher notre plaisir, oublions le décor de grappes de raisin en carreaux de céramiques plutôt affligeant de banalité.
39 rue du Magistrat.
A.Jeannin.1904
|
Enfin,
au 37
rue du Magistrat,
Léon
Delune
, encore lui, avait déjà signé en 1900 une autre maison à façade
de pierres blanches et pierres bleues, beaucoup plus “classique”.
On est loin des audaces du numéro 45. Mais la belle porte d'entrée
d'inspiration Art nouveau géométrique et les consoles de la
corniche sont prémonitoires.
Par contraste, juste à côté de cette maison se trouve l'école primaire et le jardin d'enfant du Tenbosch qui fut construite par la commune d'Ixelles deux ans plus tard.Son style néo-Renaissance flamande très en vogue auprès des pouvoirs publics contraste singulièrement avec la grande élégance de la maison Sander-Pierron (1896).
Détail de la porte du 37 rue du Magistrat telle qu'elle existait
La poignée a malencontreusement été "modernisée" récemment
A
noter qu'en face, le frère de Léon, Ernest
Delune,
autre star de l'Art nouveau, avait construit deux maisons de style
néo-Rennaissance flamande aux 44
et 46 rue du Magistrat en
1893, au moment même où, à trois pâtés de maisons, Victor Horta
boulversait l'architecture mondiale avec la Maison Tassel, 6
rue Paul-Emile Janson
Victor
Horta, rue de l'Aqueduc
On
retrouve précisément Victor
Horta au
157
rue de l'Aqueduc
où
il construit en 1896 une très belle maison pour l'un de ses plus
grands admirateurs et amis, l'écrivain, journaliste et critique
d'art Sander Pierron (de son vrai nom Alexandre Pierron). Elle est de
dimension relativement modeste comme la plupart des maison
bourgeoises construites à cette époque - le métier d'écrivain
n'est pas d'un grand rapport - mais tous les détails sont signés
par le maître (encadrement de la porte en pierre bleue, sonnette,
boîte aux lettres, porte, poignée de porte, fer forgé, etc.).
L'intérieur, sobre, est aussi remarquable que l'extérieur. C'est
l'une des cinq maisons - dont la sienne devenue le Musée Horta, que le grand innovateur a construit dans le même
quartier. L'oeuvre essentielle de ce génie a donc été réalisée dans
un “espace-temps” extraordinairement concentré
Par contraste, juste à côté de cette maison se trouve l'école primaire et le jardin d'enfant du Tenbosch qui fut construite par la commune d'Ixelles deux ans plus tard.Son style néo-Renaissance flamande très en vogue auprès des pouvoirs publics contraste singulièrement avec la grande élégance de la maison Sander-Pierron (1896).
Jardin
d'enfants Tenbosch construit en 1898
à deux pas de la maison
Sander Pierron
|
Place Leemans
La place Leemans donne notamment accès à la rue Américaine (Musée Horta) et est traversée par les rues Washington et Tenbosch, toutes deux particulièrement riches en immeubles modernistes.
La place Leemans donne notamment accès à la rue Américaine (Musée Horta) et est traversée par les rues Washington et Tenbosch, toutes deux particulièrement riches en immeubles modernistes.
Rue
Washington (I) (à
droite en montant),
Au
127 rue
Washington,
ce
bel immeuble daté de 1911 est la dernière oeuvre de Gustave
Strauven
qui abandonne l'architecture
à 33 ans à peine.
127
rue Washington.
Gustave Strauven 1911 |
Il
est orné de superbes sgrafites attribués à Paul Cauchie. Ils ont
retrouvé tout leur éclat après une récente restauration. Entrée
cochère munie d'une double grille en fer forgé de même inspiration
que les sgraffites. A admirer aussi les trois impressionnantes
consoles de pierre bleue sculptées qui supportent l'oriel courant
sur deux étages. Leur taille en coup de fouet reste la marque
distinctive de l'esprit créatif de Gustave Strauven.
Gustave Strauven (1911)
Console géante imaginée comme une signature en soi
|
Aux
131
et 133 rue Washington,
Benjamin De Lestré de Fabribeckers construit
en 1905 côte à côte un hôtel de maître et
une maison plus modeste: deux réalisations que l'on qualifie volontiers d'éclectiques mais qui sont encore très marquées par l'Art nouveau.
Il est d'ailleurs souvent difficile de trancher. Certains architectes passent d'un style à l'autre et parfois les mélangent allègrement. Ce qui est le cas dans cette rue avec les oeuvres tardives de Gustave Strauven et de Benjamin De Lestré, oeuvres qui attestent du caractère très peu dogmatique de l'Art nouveau bruxellois. La preuve par sept dans la rue voisinne, la rue Tenbosch.
131 rue Washington.
Benjamin De Lestré (1905)
|
Rue Tenbosch (2) (à gauche)
Revenez
place Leemans et prenez la première rue à gauche. Du n°76 au n°86 et au n° 94 rue Tenbosch, sept
maisons construites côte à côte aux alentours de 1900 témoignent
de l'extraordinaire diversité de l'Art nouveau à Bruxelles.
Rue Tenbosch. Un ensemble Art nouveau impressionnant... longtemps oublié |
78
rue Tenbosch,
Edmond Lodewijk,
après avoir construit une première maison Art nouveau au 80,
entreprend l'année suivante une oeuvre beaucoup plus radicale en briques crème striée de doubles lignes de briques rouges
enserrant de la
pierre bleue.
78 rue Tenbosch.E. Lodewijck 1904
|
Le dessin est asymétrique : la
porte et les deux fenêtres du rez-de-chaussée sont dominées par
une grande logette à base trapézoïdale (pierre bleue et chassis de
bois) surmontée d'une terrasse à garde-corps de fonte à fleurs
stylisées inscrites dans un double cercle. Ce balcon est accessible
par une spectaculaire baie vitrée en arc outrepassé encadrée de
briques rouges et divisée en trois par deux meneaux en pierre bleue.
Au dernier étage, la large baies qui capte toute la lumière est
divisée par des meneaux prolongeant les lignes verticales du grand
cercle. Enfin la corniche délicatement dessinée achève de donner
la sensation d'une audacieuse harmonie moderniste.
Par
contraste, avec son style géométrique dépouillé, la façade que
Jacques Ansiaux imagine en 1906 pour le 86
rue Tenbosch
fait inmanquablement songer à Josef Hoffmann,
le maître Autrichien qui a entrepris la même année, le long de l'avenue de
Tervueren, la construction du célébrissime Palais Stoclet. Même
rigueur annonciatrice d'une nouvelle architecture.
Presqu'en
face, au
85
Rue Washington,
Victor Horta construit
en 1906 sa dernière maison Art nouveau pour un particulier. C'est la
cinquième dans le même quartier.
Commandée par Emile Vinck, membre du Parti Ouvrier Belge et de la Loge des Amis philanthropes, elle marque quasiment la fin d'une aventure esthétique commencée treize années plutôt. Si l'on excepte la ferronnerie Art nouveau du balcon toute la façade, d'une simplicité rigoureuse, respire le calme et la tranquillité. A l'intérieur Horta déploie toujours son génie dans l'organisation des espace et la captation de la lumière. Mais on le sent bien, le prodigieux inventeur du modern style est sur le point de tourner la page. Ce sera fait en 1909 avec la construction en plein centre ville du magasin et des ateliers de l'orfèvre-sculpteur moderniste Philippe Wolfers.
En
passant, jeter donc encore un coup d'oeil aux 73,
75 rue Armand Campenhout et
à quelques autre bâtisses de cette rue(68, 70, 91)
.
Une série de petites maisons ouvrières banales construites vers
1902. Elles ont miraculeusement survécu jusqu'à nos jours (malgré
une menace persistante de destruction). L'Art nouveau y apparait de
façon plus ou moins discrète mais suffisamment pour démontrer que
cet art-là était vraiment un art pour tous.
Rue Tenbosch (II) (de l'autre côté de la place Leemans)
De
l'autre côté de la place Leemans, au
67
rue Ten Bosch
les grandes baies vitrées d'une toute petite maison en briques
jaunes attirent l'oeil. Ici, la conquête de la lumière, permise par
l'utilisation de poutrelles d'acier, est très caractéristique de
l'esprit Art nouveau bruxellois.
La modestie de cette maison en souligne aussi le caractère d'une esthétique pour le peuple, sinon par le peuple.
A remarquer, aussi, le très beau panneau de majolique au premier étage au dessus de la porte d'entrée.
La modestie de cette maison en souligne aussi le caractère d'une esthétique pour le peuple, sinon par le peuple.
A remarquer, aussi, le très beau panneau de majolique au premier étage au dessus de la porte d'entrée.
67 rue Tenbosch. Lumière et
délicatesse
|
Rue
Washington (II)
Faisant angle avec la place Leemans, au 112 Rue Washington, Benjamin De Lestré de Fabribeckers a construit un immeuble de rapport assez classique, mais où l'on retrouve quelques beaux éléments Art nouveau dont la double porte en verre et fer forgé.
Porte cochère du 112 rue Washington Benjamin de Lestré de Fabribekers |
Commandée par Emile Vinck, membre du Parti Ouvrier Belge et de la Loge des Amis philanthropes, elle marque quasiment la fin d'une aventure esthétique commencée treize années plutôt. Si l'on excepte la ferronnerie Art nouveau du balcon toute la façade, d'une simplicité rigoureuse, respire le calme et la tranquillité. A l'intérieur Horta déploie toujours son génie dans l'organisation des espace et la captation de la lumière. Mais on le sent bien, le prodigieux inventeur du modern style est sur le point de tourner la page. Ce sera fait en 1909 avec la construction en plein centre ville du magasin et des ateliers de l'orfèvre-sculpteur moderniste Philippe Wolfers.
73-75
rue Armand Campenhout (1902). Architecte inconnu
|
Une
décoration modeste mais très signifiante
|
Malgré nos recherches, il ne nous a pas toujours été possible de déterminer la date du décès des architectes ou des artistes ayant réalisé une oeuvre montrée dans cet article ou de contacter leurs ayants droit. Toute précision ou information sera immédiatement prise en compte. Sans autorisation, le ou les documents photographiques concernés seront immédiatement retirés. .
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