PROMENADE n°3. Saint-Gilles : de merveilles en merveilles
Point
de départ: place Paul Emile Janson au carrefour de la rue Defacqz
et de la chaussée de Charleroi (trams 81, 92 et 97)
Cette
promenade traverse un autre quartier de Saint Gilles. Nous y
découvrirons
quelques-unes
des réalisations les plus spectaculaires de l'Art nouveau
bruxellois.
1-
Les sgraffites de la rue Morris
La
rue Morris relie la chaussée de Charleroi à la chaussée de
Waterloo. En son milieu, sur la rive gauche les numéros 52, 56, 58
et 60: quatre maisons d'allure classiques mais aux
caractéristiques art nouveau discrètement affirmées. Sous les
corniches de ces quatres maison, de très beaux sgraffites signés
Adolphe Crespin qui avait décoré la maison personnelle de Victor
Hankar.
Sgraffite d'Adolphe Crespin pour le 58 rue Morris
Malheureusement
les façades de ces maisons n'ont pas encore été nettoyées ce qui
nous replonge dans le climat des années '60-'70 quand toute la
ville, noire de suie et d'émanations pétrolières, était livrée à
la spéculation immobilière
2 -
Rue d'Irlande : Hankar et Van Waesberghe
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Consoles de la logette du 70 rue d'Irlande
Paul Hankar 1896)
|
En
1896, au 70
rue d'Irlande, Paul Hankar
entreprend la construction de la modeste maison-atelier du peintre
Jean Gouweloos. Principale caractéristique: la logette supportée
par deux paires de consoles en fers forgés mélangeant Art nouveau
et style médiéval. Juste en face, 8 ans plus tard, les frères des
écoles chrétiennes construiront l'Ecole Saint Luc (architecture,
arts décoratifs etc) en style....gothique!
Un
peu plus bas au 52
rue d'Irlande, Armand Van
Waesberghe
construit pour ses soeurs une petite maison que certains considèrent comme
son chef d'oeuvre. Le plus jeune et le plus pétillant des
architectes Art nouveau mêle ici audacieusement les formules
modernistes et le... gothique flamboyant (avait-il anticipé la
création de l'école Saint-Luc cinq ans plus tard?
Armand Van Waesberghe (1899)
2
– Rue Maurice Wilmotte
En
1902, 28
rue Maurice Wilmotte, William
Defontaine
construit sa propre maison au coin de la rue d'Espagne et de la rue
Maurice Wilmotte. . D'une grande
simplicité apparente, la façade asymétrique qui donne sur la rue
Wilmotte surprend par son rythme: 3-5-3 et sa porte japonisante.
Maison personnelle de William Defontaine (1902)
L'annexe
du corps principal longe sur un seul niveau la rue d'Espagne et sert
d'assise à une vaste terrasse bien orientée pour recevoir le
soleil d'après-midi . Le jardin d'hiver qui occupe une partie de cette terrasse a été dessiné par l'architecte en 1908.
Au
deuxième étage, un mur aveugle est ornéd'une une allégorie de l'architecture (ou de la franc-maçonnerie)
(La
rue Wilmotte est riches aussi de plusieurs autres habitations de
style art nouveau : mentionnons simplement la belle façade de
briques et pierres blanches du n° 26, celle en briques vernissées
blanches et vertes du n°19, et enfin celle en briques jaunes et
pierres bleues du n°14.)
3
– Rue d'Espagne
Au
42
rue d'Espagne
, belle maison Art nouveau (dont nous n'avons pas pu identifier l'auteur). Elle est en briques rouges et pierres
bleues. Facade asymétrique une fois encore. Au rez-de-chaussée, porte cochère composée de deux formes ovales tranchées.
Porte du 42 rue d'Espagne
Au
premier étage une seule grande baie vitrée divisée par des
meneaux distribue une maximum de lumière à l'intérieur de la
salle de réception. La porte centrale donne sur un balcon qui court
tout le long de la façade avec un léger garde-corps d'inspiration
néo-gothique.
Au
dessus de cette baie, sous arcades,
cinq sgraffites constituant un
seul motif floral avec figure féminine en sont centre.
La
maison voisinne, 40 rue d'Espagne, est ornée sous la corniche
d'un superbe sgraffite floral stylisé avec une figure féminine
centrale à la chevelure en coup de fouet.
Sgraffite du 40 rue d'Espagne (auteur inconnu)
4
– Rue de Pologne
Les frères Toisoul ont construit aux 35
et 38 rue de Pologne deux maisons qu, face à face, dialoguent depuis plus un siècle.
Au
n°35
rue de Pologne,
façade de pierres et de briques blanches. La travée étroite,
décalée par rapport à la travée principale, est asymétrique:
porte et fenêtre au rez de chaussée, deux fenêtres étroites à
l'entresol, une fenêtre au second entresol et trois fenêtres au
3ème.
35 rue de Pologne. Toisoul Frères
La travée principale est toute axée sur la captation de la lumière: larges baies vitrée au rez-de -chaussée surélevé et à logette qui est surmontée d'un balcon avec un délicat garde-corps en fer forgé.
Pour ce dernier étage, l'architecte change de rythme et place une porte étroite et une fenêtre latérale . De quoi, une fois de plus, envoyer la symétrie au diable
Dernier étage du 35 rue de Pologne
Au
38 rue Pologne, la
composition est radicalement différente. Presque totalement
symétrique. La double porte d'entrée est sous un auvent dominé
par une imposte placée dans un encadrement de pierre ovoïde
impressionnant. La travée large est dominée par une logette monumentale supportée par trois consoles et dominée par un balcon avec garde-corps en fer forgé. En somme deux variations sur le même thème.
Encadrement monumental de la porte du 38 ru de Pologne
(Toisoul Frères)
Un
peu plus bas, construite à la fin du XIXème siècle, la rue de
Tamines possède du côté pair quelques belles maisons teintée
d'Art nouveau et particulièrement celle construite en briques
blanches et pierres bleues par Edouard
Courtenay au
12
rue de Tamines
avec ses fers forgés flamboyant d'inspiration néo-gothique.
5
– Place Morichar, Ernest Blerot se surpasse
Juste
au tournant du siècle (1899-1900), 41 Place Louis Morichar,
Ernest Blerot construit l'une des maisons plus emblématiques et
les plus enchanteresse de l'Art nouveau bruxellois.
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41, Place Morichar, l'une des pus belle réalisation d'Ernest Blérot |
Sa façade est
en soi un véritable tableau urbain mêlant tous les matériaux de
construction disponible (pierre blanche, pierre bleue, fer forgé,
bois, mosaïque, vitraux) dans une symphonie poétique magistralement
orchestrée. L'environnement est idéal. Placée en bordure d'une
très grande place, récemment restaurée, elle peut être vue à
distance comme un joyaux dans son écrin.
La
façade est asymétrique, triangulaire (les baies occupent un peu
moins d'espace à chaque étage). Mais ce n'est qu'un détail parmi
d'autres. La porte d'entrée - boiserie en gerbe liée, verre opaque et fers forgés ovoïdes, boîte-aux-lettres-poignée-de-porte en coup de fouet - est surmonté par un vitrail qui s'inscrit aussi dans une forme ovoïde, mais inversée. Tout le génie décoratif de Blérot est là.
La
baie vitrée latérale est découpée par des petis bois Art nouveau
renfermant une grande scène bucolique vitraillée en verre américain (bord d'étang). Au
premier étage, se partagent l'espace un bow-window trapézoïdal
étroit et une large porte fenêtre donnant sur un petit balcon avec
garde-corps en coup de fouet. Cet ensemble est couronné par une autre scène bucolique en mosaïque: à gauche chant du coq au soleil
levant, à droite le hiboux de la nuit.
Enfin,
au deuxième étage, les trois baies vitrées surmontées par une autre
mosaïque – vol d'hirondelles – sont enveloppées d'un encadrement
fluide de pierres blanches. Toute cette scénographie bucolique
correspond bien à la mentalité des nouveaux bruxellois qui sont
souvent des campagnards urbanisés de fraîche date.
Juste à côté de cette superbe maison, les 43 et 44 place Morichar sont plus classiques mais ont tous deux quelques beaux éléments Art nouveau.
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Étonnant vitrail d'imposte quasiment cubiste au
43 place Morichar |
6
- Georges Delcoigne toise Ernest Blerot
En
1899, en même temps qu'Ernest Blerot construit le 41 place Morichar, juste en face, 14
place Morichar, Georges Delcoigne (1870-1916) construit
sa propre maison.
14 place Morichar (Georges Delcoigne 1899)
C'est un architecte jeune et moderniste. Il a 29
ans. Comme celle de Blerot, sa maison est un véritable poème
urbain
La
façade en pierre blanche d'Euville est très complexe. La travée
étroite de la porte d'entrée (boiseries et fers forgés floraux)
est surmontée d'un oriel décalé qui court sur toute la hauteur et
se termine par un petit balcon.
Le second étage avec ses sgraffites allégoriques de la musique et de la peinture
La
travée principale rythmée sur trois fenêtre est coupée au premier étage par un grand balcon et au second par une porte
centrale avec garde-corps en fer forgé entourée de deux sgraffites
polychromes, allégories, l'un de la musique et du chant, l'autre de
la peinture. Le choix des coloris met en évidence la beauté de la pierre blanche d'Euville .
C''est
la seule maison Art nouveau de Georges Delcoigne.
Au coin de la place Morichar
et de la rue de Roumanie, remarquez un immeuble de rapport d'une grande simplicité mais orné de sgraffites directement inspirés par l'école de
Glasgow.
7
– Vizzavona en Roumanie
Au
40
rue de Roumanie, Paul Vizzavona
conçoit en 1905
une maison très originale en briques claires, rehaussées de
briques jaunes et de pierres bleues. C'est une composition où
l'on voit une fois de plus combien les architectes de l'Art nouveau
inventent au jour le jour leur esthétique.
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Baies du 2ème et du 3ème étage du 40 rue de Roumanie. Une composition unique de Paul Vizzavona (1905)
Ici,
le grand rectangle que forme la façade, plus haute que ses
voisinnes, sert de base à un jeu de courbes totalement inédit :
plein ceintre pour la grande vitrine du rez-de-chaussée et la baie
unique du dernier étage. Entre les deux, variations sur cercles et
rectangles rehaussées à tous les étages par des fers forgés
délicats. Et comme si cela ne suffisait pas, la corniche d'une
exceptionnelle largeur impose son retangle comme un horizon
indépassable. Il y a de quoi rester rêveur.
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8
- Rue de Parme
En
descendant la rue de la Victoire, il faut jeter un coup d'oeil au 26
rue de Parme. Fernand Symons y a construisit en
1897 une belle et grande maison teintée d'Art nouveau.
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Superbe sgraffite ésotérique admirablement restauré, au 26 rue de Parme
Elle abritait un
établissement photographique. Cette demeure a été considérablement transformée
quelques années plus tard (en style néo quelque chose) mais elle a
conservé ses superbes sgraffites récemment restaurés.
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9 - Rue de de la Victoire
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Porte d'entrée du 71 rue de la Victoire |
Plus
bas, rue de la Victoire, on passe devant un imposant hôtel de maître
Art nouveau en pierre blanche construit entre 1907 et 1910 par
Joseph Purnelle (71/71A
rue de la Victoire).
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Porte de service |
Belle porte d'entrée avec panneaux de verre moulé protégés par
des fers forgés art nouveau . Idem pour la porte de service.
10 - Horta rue Hôtel des Monnaies
Un peu plus loin, prendre à gauche. Au 40 rue Hôtel des Monnaies, Victor Horta y construit entre 1894 t 1897 un vaste hôtel de maître pour l'ingénieur Camille Wissinger. C'est l'époque la plus flamboyante
de l'inventeur de l'Art nouveau.
La
façade de pierre blanche rehaussée de pierre bleue au rez de
chaussée rompt une fois de plus avec toute la tradition
architecturale. Ainsi, par exemple le bow-window du bel étage avec
ses quatre colonettes de fonte qui se prolongent jusqu'au garde-corps
de la terrasse supérieure s'appuie-t-il sur un autre bow-window
lui-même supporté par une console arrondie et galbée comme seul
Victor Horta pouvait l'imaginer.
Toutes ferronneries forgées “en coup de fouet” achèvent de donner
une impression somptueuse à ce magnifique bâtiment qui fut
transformé une première fois par Victor Horta lui-même (1928-29),
puis qui fut longtemps occupés par la compagnie d'assurance Le
Lion Belge (quelques vitraux et la boîte-aux-lettres en portent
encore la marque) avant d'être restaurés dans son état
originel par son nouveaupropriétaire.
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Rue de la Victoire 34 |
Le 34 rue de la Victoire est particulièrement intéressant car il témoigne de l'engouement incontestable des Bruxellois pour l'Art nouveau. Ici la construction est vaguement dans le style Renaissance flamande encore très prisé à l'époque
le style nouveau mais le décor, fers forgés, sgraffites, vitraux: tout est dans style nouveau
Pour le seul plaisir des yeux, voici successivement le vitrail du bel étage donnant sur le rue de la Victoire et celui
donnant sur le jardin arrière
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Vitrail donnant sur la rue de la Victoire |
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Vitrail donnant sur le petit jardin du 34 rue de la Victoire |
10
– Le coup de génie d'Ernest Blérot
Depuis cette maison de la rue de la Victoire suivez la rue qui part légèrement en diagonale et conduit directement à la rue Vanderschrick où Ernest Blerot manifestera pendant quelques années tout son génie inventif. A la demande
d'un promoteur immobilier, il prend le contrôle un terrain à
bâtir et y règne en maître absolu y imposant une vision quasiment féerique de l'urbanisme moderne. Au total, entre 1900 et 1902, ce sont 18 immeubles qui surgissent de terre (maisons particulières, commerces et maisons de rapport: 13-15 chaussée de Waterloo, 1 à 25 rue Vanderschrick, 42 à 48 rue Jean Volders).
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Un cas unique au monde : 17 immeubles qui forment le plus bel ensemble Art nouveau de la planète.
Pour réaliser ce prodige d'inventivité, Blerot est aussi
le seul architecte Art nouveau à standardiser sa production pour
en réduire les délais de fabrication et les coûts, ce qui ne
l'empêchera jamais de personnaliser chaque demeure. En quelques années seulement, il construira
ainsi une soixantaine de maisons et... fera
fortune avant d'être oublié, méprisé puis redécouvert. A l'époque où Bruxelles était ravagée sans scrupules par les promoteurs immobiliers, c'est
miracle que cet ensemble Art nouveau unique au monde ait survécu (presqu') intégralment. Laissé dans un quasi abandon pendant des décennies,
il passionne aujourd'hui des amateurs éclairés (Français
notamment) qui entreprennent de le restaurer et de lui rendre sa
beauté fulgurante.
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On
en oublierait presque de regarder l'autre côté de la rue, meublé
pourtant de fort belle maisons. L'une d'elle, le 10 rue
Vanderschrick, mérite une attention particulière.
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10 rue vanderschrick, Jean Maelschalck ajoute une touche éblouissante à l'ensemble Blerot |
Construit en 1904 par Jean Maelschalck cet immeuble Art nouveau en briques blanches rehaussés de pierres bleues, se distingue nettement du style Blérot mais s'en rapproche par l'abondance de ses décorations : sgraffites mordorés à tous les étages, larges balcons avec gardes-corps floraux“en coup de fouet” moulés en fontes dont le motif se retrouve dans la double porte d'entrée.
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Sgraffite du 10 rue Vanderschrick, restauré récemment |
11 – La pause s'impose
Rue
Vanderschrick, il y a la possiblité de prendre une comsommation ou
même un repas complet dans deux établissements installés dans des
maisons Blérot restaurées. Le café restaurant “La Porteuse
d'eau”, n° 25 rue Vanderschrick est un ancien bistrot
modernisé dans un pastiche de l'Art nouveau . Il a pris son nom en
hommage à la petite statue de la Porteuse d'eau de Julien Dillens
dont la copie se trouve au carrefour dit “la barrière de
Saint-Gilles” et l'original dans le hall de l'hôtel de ville
(promenade n°5)
Autre
lieu : le “Salon de thé “Jynga” installé au n° 3 de
la même rue. La vitrine d'origine avec son décor en étain est
sublime.
Malgré nos recherches, il ne nous a pas toujours été possible de déterminer la date du décès des architectes ou des artistes ayant réalisé une oeuvre montrée dans cet article ou de retrouver des ayants droit. Afin de ne pas enfreindre involontairement la législation sur les droits d'auteurs, toute précision ou information concernant l'un ou l'autre document photographique sera immédiatement prise en compte. Sans autorisation, le ou les documents photographiques seront immédiatement supprimés.